PSE : le juge judiciaire peut écarter un accord collectif minoritaire

10 juin 2021 | Actus

La Cour de cassation précise que le juge judiciaire, quand il statue sur l’application des mesures du PSE, peut écarter l’accord collectif qui le prévoit, si le juge administratif l’a jugé irrégulier du fait de son caractère minoritaire.

Rappels : une compétence résiduelle du juge judiciaire en matière de PSE

L’essentiel du contentieux relatif au licenciement avec plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est du ressort du tribunal administratif (c. trav. art. L. 1235-7-1). Le juge judiciaire dispose d‘une compétence résiduelle pour les litiges relatifs à l’application des mesures comprises dans le PSE.

Si le DREETS valide un « accord PSE » alors que celui-ci n’est que minoritaire, sa décision doit être annulée par le juge administratif. Néanmoins, la procédure n’est pas nulle, mais irrégulière, ce qui signifie notamment que la réintégration des salariés (pour ceux qui la demandent) est subordonnée à l’accord de l’employeur (cass. soc. 13 janvier 2021, n° 19-12522 FSPI ; c. trav. art. L. 1235-16).

Litige lié à un accord de PSE minoritaire

Dans cette affaire, la société Pages Jaunes (aujourd’hui Solocal) avait engagé en 2013 une procédure de licenciement collectif pour motif économique dans le cadre d’un projet de réorganisation pour sauvegarder sa compétitivité. On notera que cette affaire est aussi à l’origine de l’arrêt du 13 janvier 2021 cité plus haut.

Pour son PSE, l’entreprise avait choisi de négocier un accord majoritaire plutôt que d’adopter un document unilatéral (c. trav. art. L. 1233-24-1).

Le DIRECCTE (devenu DREETS depuis le 1er avril 2021) avait validé l’accord collectif à tort puisqu’il était minoritaire. Un des délégués syndicaux signataires n’avait plus de mandat, ce qui rendait l’accord minoritaire. Le juge administratif avait donc annulé la décision de validation de l’accord collectif (CE 22 juillet 2015, n° 385668).

Une des salariées licenciées avait ensuite saisi le juge prud’homal pour :

-contester la validité de son licenciement ;

-obtenir un rappel de salaires afférent à la période de congé de reclassement prévu par le PSE.

La cour d’appel avait validé le licenciement (car l’action de contestation de la salariée était prescrite) et avait accordé un rappel de salaire pour le congé de reclassement inexécuté du fait de l’inapplicabilité du PSE.

La Cour de cassation confirme cet aspect de l’arrêt.

Un accord PSE (jugé minoritaire par le juge administratif) peut être écarté par le juge judiciaire

La Cour de cassation rappelle que le tribunal administratif est compétent pour les litiges concernant, l’accord collectif ou le document unilatéral contenant le PSE, son contenu, la décision de validation ou d’homologation de l‘administration et la régularité de la procédure de licenciement (c. trav. art. L. 1235-7-1L. 1233-24-1L. 1233-24-4 et L. 1233-57-5).

La Cour précise ensuite que le juge judiciaire est compétent pour les litiges relatifs à l’application des mesures du PSE. La Cour ajoute qu’il doit rendre sa décision en se fondant sur la position de l’autorité administrative (autorité de la chose décidée) ou du juge administratif (autorité de la chose jugée).

Elle en déduit qu’un salarié peut, au soutien de demandes salariales ou indemnitaires formées contre l’employeur, se prévaloir du défaut de validité de « l’accord PSE », au vu des motifs de la décision par laquelle le juge administratif a annulé la décision de validation du DIRECCTE.

En l’espèce, il y avait effectivement eu annulation de la décision de validation du DIRECCTE de l’accord prévoyant le PSE et, même si le juge administratif n’était pas allé jusqu’à prononcer la nullité de l’accord, le juge judiciaire ne pouvait pas faire comme si de rien n’était et ignorer que cet accord, en totale contradiction avec le code de travail, n’était pas majoritaire. Dans ces conditions, il était en droit d’écarter l’application de ces clauses.

C’est en définitive au juge judiciaire de tirer les conséquences, au plan indemnitaire, de la décision administrative.

Rappelons enfin que le salarié demandait le paiement des salaires correspondant à la période du congé de reclassement excédant le préavis légal (car, à l’expiration du préavis, le salarié en congé de reclassement ne perçoit plus qu’un pourcentage de sa rémunération).

Sur ce point précis, l’arrêt est cassé, car la cour d’appel avait conclu à la nullité du congé de reclassement, au motif que celui-ci n’ayant plus de cause du fait de « l’inapplicabilité » de l’accord PSE. Or, pour la Cour de cassation, un tel motif ne permettait pas de caractériser la nullité du congé de reclassement. Sur ce point, on lira avec intérêt l’arrêt de la cour d’appel de renvoi. En effet, si l’accord PSE est considéré comme inapplicable, on imagine que le salarié a droit aux salaires qu’il aurait perçus s’il n’avait pas été en congé de reclassement. Fallait-il alors simplement considérer que le congé de reclassement était « inapplicable » et non nul ? Après 8 ans de contentieux, l’affaire Solocal n’a décidément pas encore livré tous ses enseignements.

Cass. soc. 27 mai 2021, n° 18-26744 FSP (2 premières branches du pourvoi incident)

(source rf)

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