Brexit : le transport routier redoute le pire

5 janvier 2021 | Actus

Le 1er janvier à minuit, le Royaume-Uni a quitté l’union douanière avec l’UE. Pour les 4,5 millions de camions qui effectuent chaque année le transit par la Manche, les nouvelles formalités vont représenter un véritable obstacle, au moins pendant les premiers mois

Après plusieurs faux départs, l’échéance du 1er janvier 2021 sera bien celle du « big bang » pour le transport routier de marchandises entre l’Europe et le Royaume-Uni. Même si le pire a été évité avec un accord commercial signé in extremis entre Londres et Bruxelles permettant d’éviter des droits de douane ou des quotas par type de marchandises, reste le plus compliqué pour les professionnels de la route : le rétablissement de la frontière physique, donc des douanes, avec des contrôles qui ne manqueront pas de ralentir les flux de part et d’autre.

Chaque année, le commerce entre la Grande-Bretagne et le continent représente en valeur 56 milliards d’euros de flux dans les deux sens, acheminé par 4,4 à 5 millions de camions annuels, soit une moyenne de 16.000 poids lourds par jour. Et 70 % de ces échanges passent par les trois points clés des Hauts-de-France : les ports de Calais, Dunkerque, et le terminal Eurotunnel de Coquelles. Le moindre grain de sable peut donc provoquer une pagaille noire, comme l’a montré récemment l’obligation soudaine de tests anti-Covid pour les chauffeurs quittant l’Angleterre, face à la nouvelle souche du virus.

Piste d’aéroport désaffectée

Les autorités locales ont mobilisé à la hâte l’aéroport désaffecté de Manston, à 32 kilomètres de Douvres, capable de stocker 4.000 camions, qui devait en principe uniquement servir « dans le pire scénario », selon les explications livrées peu avant par un représentant des douanes anglaises. Pour les chauffeurs routiers concernés, dont beaucoup ne sont pas prêts à refaire la traversée, ce chaos imprévu n’est peut-être qu’un avant-goût de leur nouveau parcours , imposé par la création de deux espaces réglementaires distincts.

Beaucoup de nouveautés sont désormais inscrites au menu des camionneurs et expéditeurs. « A l’import comme à l’export, il sera nécessaire de réaliser des déclarations d’exportation ou importation, les déclarations de sûreté/sécurité ainsi que les formalités sanitaires ou phytosanitaires (par exemple, pour les produits d’origine animale ou les animaux vivants, NDLR) », rappelle la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR). Les droits de douane potentiels n’étant qu’une simple ligne sur une longue liste.

« Autant de vraies nouveautés, plus un principe qui n’est pas habituel du tout : faire les formalités de douane avant de passer la frontière. C’est maintenant plus simple de travailler avec la Russie ou l’Ukraine, avec juste une déclaration export… », selon Olivier Thouard, directeur douane et représentation fiscale chez le transporteur Gefco et président de la commission internationale de la fédération professionnelle TLF Overseas.

Malgré trois années passées en France à préparer la « frontière intelligente », un processus entièrement digitalisé qui a, quand même, requis l’embauche de 270 douaniers, rien ne dit que tous les chauffeurs seront familiarisés avec le système. D’autant que ceux qui parviennent à Calais convergent de toute l’Europe, de la Pologne à l’Espagne. Quant à l’Hexagone, « quelque 150.000 entreprises françaises commercent avec le Royaume-Uni, mais dont beaucoup de PME non habituées aux formalités douanières », selon les services de Bercy.

Du flux qui ne s’arrête pas

Sur le détroit du Pas-de-Calais, la règle principale est que, normalement, « c’est du flux qui ne s’arrête pas », selon un professionnel. Mais pour respecter cette doctrine, les chargeurs et routiers devront se familiariser avec des nouvelles pratiques et surtout des tas de nouveaux sigles : comme le MRN, le code-barres de la déclaration en douane des marchandises, ou le TAD, code-barres de « l’enveloppe logistique » permettant de grouper plusieurs MRN. Selon le sens emprunté, il pourra être demandé au chauffeur son ENS, déclaration sommaire d’entrée, à télétransmettre avant embarquement dans le ferry, ou encore le « Kent Access Permit », qui empêchera un camion d’entrer dans la région clé de transit si les formalités ne sont pas faites en amont.

Toute entreprise voulant dédouaner des marchandises outre-Manche devra également disposer d’un EORI britannique (numéro d’enregistrement des opérateurs économiques). Mais les négociateurs leur ont finalement fait grâce des nouvelles licences CEMT servant en principe à circuler dans les pays tiers. Enfin, les Britanniques ont prévu un scénario en deux temps pour l’arrivée des marchandises européennes sur leur sol, avec six mois de répit avant d’imposer des contrôles systématiques en juillet prochain.

(source les Echos)

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