Dans certains secteurs, la vaccination contre le Covid-19 pourrait prochainement devenir obligatoire. Cela signifie-t-il que l’employeur doit imposer cette vaccination et prendre des sanctions contre les salariés qui s’y refusent sous peine d’être sanctionné ?
Vaccination obligatoire contre le Covid-19 : qui devrait être concerné et à partir de quand ?
Le Président de la République avait annoncé le 12 juillet dernier son intention de rendre la vaccination obligatoire dans les secteurs où les salariés sont au contact de personnes fragiles ou âgées. Une intention qui se concrétise avec un avant-projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, qui a été transmis au Conseil d’Etat et qui contient un volet relatif à la vaccination obligatoire.
Ce texte liste les personnes qui devraient être immunisées contre le Covid-19 grâce à un statut vaccinal complet. Il s’agirait dans un premier temps :
- des personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé, les centres de santé, les maisons de santé, les centres et équipes mobiles de soins, les services de santé liés au travail ou à l’éducation, la plupart des établissements et services médico-sociaux, les logements-foyers qui accueillent des personnes âgées ou handicapées ;
- des professionnels de santé et des élèves, étudiants et autres personnes exerçant avec eux ;
- des professionnels employés par un particulier employeur qui interviennent au domicile de personnes âgées ou handicapées ;
- des sapeurs-pompiers et des marins-pompiers, des pilotes et personnels navigants de la sécurité civile assurant la prise en charge de victimes, des militaires des unités investies à titre permanent de missions de sécurité civile et des membres des associations agréées de sécurité civile ;
- des personnes exerçant l’activité de transport sanitaire ainsi que celles assurant les transports pris en charge sur prescription médicale.
Vaccination obligatoire contre le Covid-19 : quelles conséquences si un salarié refuse d’être vacciné ?
Une exception serait prévue à la vaccination pour les personnes qui justifient, par certificat médical, d’une contre-indication à la vaccination.
Pour les autres salariés, s’ils n’ont ni statut vaccinal complet ni certificat de rétablissement après contamination au Covid-19, le projet de loi prévoit qu’ils ne pourraient plus exercer leur activité à compter du 15 septembre 2021.
A partir de la publication de la loi (qui pourrait intervenir au cours du mois d’août), ces personnes seraient déjà interdites d’exercer leur activité sauf si elles peuvent présenter un résultat d’examen de dépistage virologique négatif.
L’interdiction d’exercer pourrait être notifiée, selon le cas, par l’employeur, la CPAM ou l’agence régionale de santé compétente.
Sachant que le fait pour un professionnel de ne plus pouvoir exercer pendant une période de plus de 2 mois justifierait son licenciement. Une cause de licenciement serait ainsi prévue d’avance.
Un mécanisme similaire serait créé dans les secteurs où le pass sanitaire s’imposera : voir Pass sanitaire : que prévoit l’avant-projet de loi ?
Attention, si l’employeur ne vérifie pas le respect de l’obligation vaccinale, une lourde sanction pourrait lui être appliquée (à l’exception des particuliers employeurs) : 1 an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
Il est intéressant de rappeler qu’aujourd’hui il existe déjà des vaccins obligatoires dans certains secteurs particuliers : EHPAD, pompes funèbres, laboratoire de biologie médicale, établissement de soin, etc. (Code de la Santé publique, article L. 3111-4 et L. 3112-1). Par exemple, dans les EHPADs, il faut être vacciné contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe.
La Cour de cassation a même déjà validé le licenciement pour cause réelle et sérieuse d’un salarié d’une entreprise de pompes funèbres qui refusait de se faire vacciner contre l’hépatite B alors que la réglementation applicable à l’entreprise de pompes funèbres imposait la vaccination. Dans cette affaire, le médecin du travail avait prescrit la vaccination et le salarié ne présentait pas de contre-indication médicale (Cass. Soc., 11 juillet 2012, n° 10-27.888). Ces fonctions l’exposaient également au risque de la maladie.
Vaccination obligatoire contre le Covid-19 : que peut faire l’employeur tant que la loi n’est pas votée ?
Pour le moment et tant que la loi n’est pas votée, il n’a que peu de marge de manœuvre.
Il n’a aucune possibilité de sanctionner un salarié qui ne veut pas se faire vacciner contre le Covid-19.
Il ne peut même pas exiger de savoir si un salarié s’est fait vacciner ou non (le secret médical s’applique).
Aucune conséquence ne peut être tirée du seul refus du vaccin par le salarié. Aucune sanction ne peut être appliquée. Il ne peut pas davantage écarter le salarié de son poste, motif pris de ce seul refus, y compris en maintenant son salaire. Aucune décision d’inaptitude ne peut être ainsi tirée du seul refus du salarié de se faire vacciner.
Le salarié pourrait obtenir en justice l’annulation de la sanction et des dommages et intérêts.
On le voit le projet de loi devrait donc complètement changer les choses…
L’employeur est en revanche dès à présent encouragé à inciter les salariés à se faire vacciner, les autoriser à s’absenter, et les informer des possibilités de vaccination en relai avec la médecine du travail.
Le projet de loi prévoit d’aller encore plus loin sur les autorisations d’absence en créant une autorisation d’absence rémunérée pour aller se faire vacciner.
Soulignons que ce projet de loi pourrait évoluer car il doit encore franchir un certain nombre d’étapes pour devenir réalité à commencer par le Conseil d’Etat puis le Conseil des ministres, les discussions devant le Parlement avant une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel pour juger de sa conformité à la constitution.
Imposer la vaccination porte atteinte à certaines libertés fondamentales notamment le droit à l’intégrité du corps humain. Toute restriction doit donc être justifiée et proportionnée. S’agissant des vaccinations obligatoires, le Conseil d’Etat s’est toutefois déjà prononcé par le passé ; il a reconnu une atteinte limitée et proportionnée car mise en œuvre dans le but d’assurer la protection de la santé (Conseil d’Etat, 1 / 2 SSR, du 26 novembre 2001, n° 222741).
(Source édition TISSOT)