Lorsqu’un accident du travail résulte d’une agression perpétrée au moyen d’armes ou d’explosifs et qu’elle est attribuable à un tiers qui n’a pu être identifié, il n’est pas imputé au compte AT/MP de l’employeur. Que signifie précisément la notion « d’armes » ? Vise-t-elle les armes par destination ? C’est à cette question que la Cour de cassation a répondue dans un arrêt du 12 mai 2021.
Rappels
Sans entrer dans les détails de la procédure de tarification de la cotisation accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP), on peut rappeler que pour les entreprises en tarification individuelle ou en tarification mixte (selon leur effectif), les accidents du travail sont imputés sur le compte de l’employeur, ce qui a donc une incidence sur le taux de cotisation AT (à la hausse ou à la baisse selon le cas).
Toutefois, l’accident du travail résultant d’une agression perpétrée au moyen d’armes ou d’explosifs n’est pas imputé au compte de l’employeur lorsque celle-ci est attribuable à un tiers qui n’a pu être identifié (c. séc. soc. art. D. 242-6-7, al. 5).
C’est à ce point de réglementation que la Cour de cassation s’est confrontée le 12 mai 2021, à propos d’une affaire dans laquelle employeur et CRAM (désormais CARSAT) ne s’entendaient pas sur la notion « d’armes ».
Une agression avec un sac rempli de bouteilles
Dans cette affaire, l’employeur avait contesté l’inscription à son compte des dépenses afférentes à un accident du travail dont avait été victime l’un de ses salariés. Ce dernier avait été agressé par un homme, non identifié, qui lui avait mis un coup de sac rempli de bouteilles d’alcool dans la tête. La cour d’appel avait fait droit à la demande de l’employeur, ce que contestait la CRAM.
Entre autres arguments, cette dernière estimait en effet que la notion d’arme devait être entendue en son sens littéral, une arme étant tout objet qui sert à attaquer ou à se défendre. Une arme par destination, telle qu’un sac rempli de bouteilles d’alcool ne constituait donc pas, selon la CRAM, une arme en tant que telle permettant d’appliquer la non-imputabilité de l’accident sur le compte employeur. La CRAM ajoutait que la cour d’appel n’avait pas non plus caractérisé l’intention de la part de cet homme d’utiliser son sac comme une arme.
À noter : Pour la petite histoire, notons que l’ancien article D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale (devenu le D. 242-6-7 évoqué ci-avant), dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2012, parlait d’agression perpétrée au moyen « d’armes à feu » ou d’explosifs. Cette notion d’armes à feu n’a pas été reprise dans le texte applicable depuis 2012 (c. séc. soc. art. D. 242-6-7), qui utilise simplement le terme d’« armes ». Restait la question de la définition même de la notion d’armes, à laquelle la Cour de cassation apporte enfin une réponse.
Une arme par destination reste une arme
La Cour de cassation rejette la demande de la CRAM. Elle rappelle en premier lieu que l’accident du travail résultant d’une agression perpétrée au moyen d’armes ou d’explosifs n’est pas imputé au compte de l’employeur lorsque celle-ci est attribuable à un tiers qui n’a pu être identifié (c. séc. soc. art. D. 242-6-7, al. 5).
Reprenant ensuite la définition énoncée dans le code pénal d’une arme par destination (« Tout autre objet susceptible de présenter un danger pour les personnes est assimilé à une arme dès lors qu’il est utilisé pour tuer, blesser ou menacer ou qu’il est destiné, par celui qui en est porteur, à tuer, blesser ou menacer » ; c. pén. art. 132-75, al. 2), la Cour précise que l’agression ayant entraîné l’accident du travail avait été perpétrée au moyen d’une arme par destination.
Dès lors, les dépenses afférentes à cet accident du travail ne devaient pas être inscrites au compte de l’employeur.
Cass. civ., 2e ch., 12 mai 2021, n° 20-12827 FP https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/deuxieme_chambre_civile_570/406_12_47032.html
(source rf)