Il faut prouver à la fois la durée réelle d’emploi du travailleur et le montant de sa rémunération
Lorsque, au cours d’un contrôle URSSAF, les cotisations de sécurité sociale n’ont pas pu être assises sur la rémunération exacte du salarié dissimulé, elles sont calculées sur la base d’une rémunération forfaitaire. Ce n’est qu’à de strictes conditions que l’employeur peut faire obstacle à cette évaluation forfaitaire, comme vient de rappeler la Cour de cassation dans une affaire jugée le 3 juin 2021.
Travail dissimulé et redressement forfaitaire : rappel
En cas de constat de travail dissimulé, le redressement des cotisations et contributions est en principe évalué « au réel », sur la base des informations contenues dans les P-V de travail dissimulé transmis à l’URSSAF par les différents agents de contrôle habilités à rechercher et à constater les faits de travail dissimulé (c. séc. soc. art. L. 243-7-5 ; c. trav. art. L. 8271-6-4).
À défaut d’éléments probants permettant d’établir le montant exact des rémunérations ou revenus dissimulés (ex : absence ou insuffisance de comptabilité), le montant de l’assiette des cotisations éludées peut être établi selon la procédure de la taxation forfaitaire, c’est-à-dire à partir de tout moyen d’estimation probant permettant le chiffrage des cotisations (c. séc. soc art. R. 243-59-4).
S’il n’est pas possible de procéder à un chiffrage réel des sommes à recouvrir, ni à une taxation forfaitaire, l’URSSAF met en œuvre un redressement forfaitaire (circ. DSS/5C/SG/SAFSL/SDTPS/BACS/2008-254 du 28 juillet 2008). Dans ce cas, les rémunérations qui ont été versées ou qui sont dues à un salarié en contrepartie d’un travail dissimulé sont évaluées forfaitairement à 25 % du plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé (soit 10 284 € pour un constat réalisé en 2021), même si elles se rapportent à des périodes antérieures (c. séc. soc. art. L. 242-1-2).
L’employeur peut faire obstacle à l’application de ce redressement forfaitaire en apportant la preuve non seulement de la durée réelle d’emploi du travailleur dissimulé, mais aussi du montant exact de la rémunération versée à ce dernier pendant la période concernée (c. séc. soc. art. L. 242-1-2 ; cass. civ., 2e ch., 19 décembre 2013, n° 12-27513, BC II n° 241).
Évaluer la présence du salarié dissimulé à un jour sur deux, suffisant pour écarter l’évaluation forfaitaire ?
Suite à un contrôle ayant abouti à un constat de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, un employeur s’était vu notifier par l’URSSAF un redressement de cotisations et contributions, calculées sur une rémunération évaluée forfaitairement.
L’URSSAF lui ayant par la suite adressé une mise en demeure, l’employeur avait saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale.
Les juges d’appel avaient conclu que l’URSSAF ne pouvait pas procéder à un redressement forfaitaire. Pour ce faire, ils avaient relevé que les déclarations de l’employeur avaient été utilisées par l’organisme de recouvrement comme un moyen de preuve du bien-fondé de son redressement. Or, la transcription que l’URSSAF en donnait (le procès-verbal d’audition n’ayant pas été produit), laissait à penser que l’employeur avait évalué à un jour sur deux la présence du salarié « dissimulé », pour l’ensemble de son activité au profit de l’entreprise.
Les juges avaient donc estimé que l’URSSAF devait recalculer le montant du redressement et des majorations sur la base d’un travail à mi-temps.
Pour la Cour de cassation, remettre en cause l’évaluation forfaitaire suppose de connaître, et la durée d’emploi, et le montant de la rémunération
Les éléments relevés par les juges du fond ont été jugés insuffisants par la Cour de cassation.
La Cour rappelle d’abord que, pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale, les rémunérations versées ou dues à un salarié en contrepartie d’un travail dissimulé sont, à défaut de preuve contraire, évaluées forfaitairement (c. séc. soc. art. L. 242-1-2).
Pour faire obstacle à l’application de cette évaluation forfaitaire, l’employeur doit apporter la preuve non seulement de la durée réelle d’emploi du travailleur dissimulé, mais encore du montant exact de la rémunération versée à ce dernier pendant cette période.
Tel n’était pas le cas dans cette affaire, l’employeur s’étant contenté d’évaluer la durée du travail du travailleur dissimulé à un mi-temps, sans même en rapporter la preuve ni celle du montant de sa rémunération.
L’affaire sera donc renvoyée devant une nouvelle cour d’appel.
Cass. civ., 2e ch., 3 juin 2021, n° 19-26262 D
(source rf)