Temps de pause et rappel d’heures supplémentaires! Explications

5 mai 2021 | Actus

Si l’employeur ne prouve pas que ses salariés ont bénéficié du temps pause contractuellement prévu, ce temps de pause devient du travail effectif et peut générer des heures supplémentaires que l’employeur doit payer rétroactivement.

Litige sur fond d’organisation d’un temps de pause contractuelle

Dans cette affaire, une manager des services généraux d’un cabinet de conseil spécialisé avait saisi le conseil de prud’hommes (CPH) le 18 novembre 2013 pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat.

La salariée reprochait notamment à son employeur un manquement à l’obligation de sécurité. Elle invoquait, entre autres éléments, une modification de ses conditions de travail à son retour de congé maternité, qui avait, selon elle, amplifié la souffrance au travail qu’elle éprouvait. La salariée souhaitait par ailleurs obtenir le paiement de diverses sommes, dont un rappel d’heures supplémentaires, pour les années 2008 à 2012, au titre de temps de pause prévus dans son contrat de travail et dont elle n’avait pas bénéficié.

Les juges d’appel avaient écarté le manquement à l’obligation de sécurité et, ipso facto, la demande de résiliation judiciaire, mais avaient validé les demandes de rappel d’heures supplémentaires.

Ils avaient considéré que :

-l’employeur ne rapportait pas la preuve que la salariée avait bénéficié des 2 heures de pause hebdomadaire contractuelle qui constituaient, dès lors, un temps de travail effectif et généraient, de ce fait, des heures supplémentaires ;

-les rappels de salaire devaient être calculés sur des années entières et donc remonter jusqu’à janvier 2008.

La Cour de cassation censure partiellement ce raisonnement.

La preuve des temps de pause pèse sur le seul employeur

La Cour de cassation confirme l’analyse des juges d’appel. Le contrat de travail prévoit effectivement une durée de présence de 42 heures par semaine, incluant 2 heures de pause. Et les feuilles de temps de la salariée faisaient bien état d’une pause quotidienne de 25 minutes du lundi au jeudi et de 20 minutes le vendredi (soit au total 2 heures de pause sur la semaine).

Néanmoins, l’employeur ne justifiait pas que ces 2 heures avaient bien été prises, de sorte qu’il fallait considérer que chaque semaine comportait 2 heures supplémentaire et que la salariée avait droit à un rappel de salaire à ce titre.

C’est en vain que l’employeur a reproché à la cour d’appel d’avoir fait peser sur lui toute la charge de la preuve.

En effet, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies et d’heures supplémentaires, la charge de la preuve est partagée entre le salarié et l’employeur (c. trav. art. L. 3171-4 ; CJUE, 14 mai 2019, C-55/18, points 60 à 63 ; cass. soc. 18 mars 2020, n° 18-10919 FPPBRI).

En matière de respect des durées maximales, ce qui inclut le temps de pause, la preuve repose sur le seul employeur (cass. soc. 20 février 2013, n° 11-28811, BC V n° 52 ; cass. soc. 20 février 2013, n° 11-21848 et 11-21599, BC V n° 51).

Le rappel d’heures supplémentaires remonte à un maximum de 5 ans

La Cour de cassation retoque la cour d’appel qui avait calculé le rappel de salaire sur l’année 2008 entière.

Le CPH ayant été saisi le 18 novembre 2013, la cour d’appel ne pouvait donc pas remonter au-delà du 18 novembre 2008 (5 ans) pour définir l’étendue des rappels de salaire.

En effet, depuis le 17 juin 2013 (date de promulgation de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013), les actions en rappel de salaire se prescrivent au bout de 3 ans et non plus 5 ans (c. trav. art. L. 3245-1). Cependant, pour les prescriptions en cours avant le 17 juin 2013, la prescription est calculée en additionnant la part de l’ancien délai de prescription déjà écoulé et le nouveau délai de prescription réduit, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder 5 ans (loi 2013-504 du 14 juin 2013, art. 21, V, JO du 16).

L’affaire sera rejugée sur ce point.

Cass. soc. 8 avril 2021 n°19-22700 D

(source rf)

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