Les licenciements collectifs pour motif économique impactent très fortement la santé de ceux qui partent et de ceux qui restent.
Les données recueillies auprès des Dreets (ex Direccte) dans une publication de la Dares montrent, entre 2019 et 2020, sur la période allant du 1er mars au 20 août :
- Une augmentation de 42% du nombre de Plan de Sauvegarde de l’Emploi (228 à 326) ;
- Un quasi-triplement (x 2,9) du nombre de licenciements économiques envisagés dans le cadre de ces procédures ;
- Une progression de 185% du nombre de rupture du contrat de travail, tous modes de rupture confondus : licenciements, ruptures amiables, démissions (17 121 en 2019 contre 48 954 en 2020).
Au contexte sanitaire anxiogène (l’état de santé psychique des salariés s’est fortement dégradé pendant la pandémie et que le risque dépressif a doublé en 2021), s’ajoute un contexte d’emploi incertain et des plans de licenciement collectif – y compris pour des entreprises ne rencontrant pas de réelles difficultés économiques.
Ces restructurations permanentes produisent des effets néfastes dans et au-delà de l’entreprise.
Dans l’entreprise, l’annonce d’un plan de licenciement collectif puis la période d’incertitude quant au fait d’être désigné par les critères d’ordre de licenciement sont très anxiogènes, sources de tensions et de souffrances pour les salariés.
Ceux qui conservent leur emploi peuvent souffrir du syndrome du « survivant ou du rescapé », ou de symptômes « post-traumatiques ». Certains salariés épargnés par les licenciements expliquent ainsi qu’ils ressentent un sentiment de culpabilité : « Pourquoi les autres et pas à moi ? », et tous sont fragilisés face à une incertitude permanente : « Serai-je le prochain sur la liste ? ». Ces salariés doivent également faire face, après les licenciements, à une augmentation de la productivité et à l’intensification du travail provoquées par la réduction des effectifs. Il s’agit le plus souvent d’absorber la même quantité de travail avec un nombre réduit, et fragilisé, de salariés. Bien souvent, aucune période transitoire n’est aménagée pour appréhender le changement dans l’entreprise. Les salariés sont purement et simplement plongés dans une organisation du travail néfaste pour leur santé : délais trop courts, objectifs inatteignables, qualité dégradée, ce qui se traduit par une perte de sens au travail, une image négative de l’entreprise, etc.
Pour ceux poussés hors de l’entreprise, le chômage aggrave l’état psychique des individus : troubles du sommeil, problèmes cardiovasculaires (infarctus du myocarde et accidents vasculaires cérébraux), dépression, etc. Selon une étude de l’INSERM, 10 000 à 15 000 décès par an sont imputables au chômage en France par maladies chroniques, hypertension, rechute de cancer, etc. Les chômeurs sont exposés à un taux de mortalité, toutes causes confondues, presque trois fois plus élevée que les personnes ayant un travail. L’entrée en vigueur de la réforme du chômage au 1er octobre 2021 qui durcit les conditions d’indemnisation des demandeurs d’emploi fait craindre les pires conséquences…
Rappelons que l’employeur est débiteur d’une obligation générale de prévention de la santé des salariés, dont le contrôle a été renforcé en matière de projet de licenciement économique collectif impliquant l’établissement d’un PSE. Il appartient désormais à l’administration du travail, dans le cadre des procédures d’homologation ou de validation de ces projets, de vérifier notamment la suffisance des meures d’évaluation et de prévention des risques psychosociaux prises par l’employeur (TC, 8 juin 2020, n° C4189). Concrètement, l’administration peut donc refuser la mise en œuvre des licenciements économiques et du PSE si elle estime que l’employeur n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé physique et mentale des salariés, ce qu’il appartient aux élus du CSE de constater, au besoin avec l’aide de leur expert.
(Source les JDS)