Licenciement économique la DIRECCTE valide un « accord PSE » minoritaire

21 janvier 2021 | Actus

La DIRECCTE qui valide un plan de sauvegarde de l’emploi qui n’a pas été signé par des syndicats majoritaires commet une erreur de droit. Sa décision doit donc être annulée. Toutefois, la procédure de licenciement n’est pas nulle pour autant.

Un accord minoritaire, faute de mandat valable de l’un des délégués syndicaux signataires

En 2013, la société Pages Jaunes (aujourd’hui Solocal) avait engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique dans le cadre d’une vaste réorganisation destinée à sauvegarder sa compétitivité. Pour l’élaboration de son plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), l’entreprise avait choisi la voie de l’accord majoritaire plutôt que celle du document unilatéral (c. trav. art. L. 1233-24-1).

La DIRECCTE avait validé cet accord collectif, mais à tort, car l’un des délégués syndicaux signataires n’avait en réalité plus de mandat, ce qui rendait l’accord minoritaire. Le juge administratif avait donc annulé la décision de validation de l’accord collectif (CE 22 juillet 2015, n° 385668).

Dès lors se posait la question de l’indemnisation des salariés licenciés en application de cet accord.

Rappel : deux régimes de sanction, selon la nature de l’irrégularité commise

Nullité de la procédure en cas d’insuffisance du PSE : réintégration de droit. – La procédure de licenciement est nulle si le juge annule la décision de validation (accord collectif) ou d’homologation (document unilatéral) parce que le PSE est insuffisant (ou, à plus forte raison, parce qu’il n’y a pas de PSE, mais l’hypothèse est en pratique assez peu vraisemblable) (c. trav. art. L. 1235-10, 2e al.).

Il y a également nullité lorsque l’employeur passe en force et prononce les licenciements malgré un refus de validation ou d’homologation ou sans même passer par le DIRECCTE (c. trav. art. L. 1235-10, 1er al.).

Le salarié peut alors obtenir sa réintégration, sauf si cette réintégration est impossible, notamment du fait de la fermeture de l’établissement ou du site ou de l’absence d’emploi disponible. À défaut de réintégration, le salarié a droit à une indemnité équivalant, au minimum, aux salaires des 6 derniers mois (12 derniers mois à l’époque des faits) (c. trav. art. L. 1235-11).

Mais le salarié peut aussi délaisser la réintégration et réclamer uniquement une indemnité, laquelle équivaut, au minimum, aux salaires des 6 derniers mois (12 derniers mois à l’époque des faits).

Autres irrégularités : indemnisation ou réintégration avec l’accord de l’employeur. – Dans les autres hypothèses d’annulation de la décision de validation ou d’homologation (on pense notamment à des irrégularités dans la procédure d’information ou de consultation du CSE), il n’y a pas de nullité : le salarié peut demander sa réintégration, mais celle-ci n’est pas de droit, il faut l’accord de l’employeur.

À défaut, le salarié a droit à une indemnité équivalant, au minimum, aux salaires des 6 derniers mois (c. trav. art. L. 1235-16).

La validation d’un accord minoritaire n’entraîne pas la nullité de la procédure

Pour la cour d’appel, un accord minoritaire, donc inexistant. – Dans cette affaire, deux salariés licenciés dans le cadre de la réorganisation décidée par la société demandaient l’application du régime de sanction « lourd », avec nullité de la procédure de licenciement et réintégration de droit ou, selon la législation applicable à l’époque des faits, indemnité d’au moins 12 mois de salaire (c. trav. art. L. 1235-10 et L. 1235-11). En effet, selon eux, le fait que l’accord ne soit pas majoritaire remettait en cause son existence même.

La cour d’appel de Versailles avait fait droit à leur demandes et prononcé la nullité des licenciements, mais cet arrêt est cassé.

Pour la Cour de cassation, le régime de la nullité est strictement délimité. – La Cour de cassation considère que le fait que la DIRECCTE ait commis une erreur en droit en validant un « accord PSE » qui n’était pas majoritaire n’est pas de nature à entraîner la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique. C’est donc le régime de sanction alternative – réintégration si accord de l’employeur ou indemnité d’au moins 6 mois de salaire (c. trav. art. L. 1235-16) – qui s’applique.

L’avis de l’avocate générale, Mme Berriat, éclaire la décision de la Cour de cassation : « les motifs spéciaux exceptionnels de l’article L. 1235-10 [insuffisance du PSE, absence de PSE ou passage en force sans validation ni homologation] doivent […] être entendus strictement et ceux de l’article L. 1235-16, non limitatifs, doivent l’être de façon large ». Or, dans cette affaire, on ne pouvait pas dire que le PSE était insuffisant et encore moins inexistant. Il convenait donc d’appliquer le deuxième mécanisme d’indemnisation (https://www.courdecassation.fr/IMG///20210113_avis_SO_19-12.522.pdf).

En pratique des enjeux centrés sur le régime de réintégration. – On notera que les enjeux de la distinction entre ces deux régimes de sanction ne sont plus les mêmes depuis que l’une des ordonnances Macron du 22 septembre 2017 a abaissé de 12 à 6 mois de salaire le plancher d’indemnisation applicable en cas de nullité de la procédure de licenciement pour motif économique en raison de l’insuffisance du PSE (ord. 2017-1387 du 22 septembre 2017, art. 2, 6° ; c. trav. art. L. 1235-11 modifié).

Par conséquent, quelle que soit l’irrégularité commise, l’indemnité due à défaut de réintégration est au minimum de 6 mois de salaire.

Ce qui fait désormais la différence, c’est uniquement le régime de réintégration : lorsque la procédure est nulle pour insuffisance du PSE, la réintégration est de droit (sauf impossibilité), tandis que, dans les autres cas d’irrégularité, il ne peut y avoir de réintégration sans l’accord de l’employeur.

Cass. soc. 13 janvier 2021, n° 19-12522 FSPI ; https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/57_13_46282.html

(source rf)

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