L’employeur n’a pas à consulter les élus du personnel sur le document unique

5 juin 2021 | Actus

Il n’existe aucune obligation légale ou réglementaire pour l’employeur de consulter le CHSCT sur le document unique d’évaluation des risques professionnels en tant que tel. Telle est la solution adoptée pour la première fois par la Cour de cassation dans un arrêt du 12 mai 2021. À notre sens, elle est transposable au comité social et économique (CSE).

Contentieux entre La Poste et son CHSCT relatif à la reprise d’activité à la sortie du premier confinement

Le contentieux dont il est question mettait aux prises La Poste et son CHSCT. La Poste relève en effet d’un statut particulier qui prévoit notamment l’application des anciennes dispositions du code du travail relatives au CHSCT (loi 90-568 du 2 juillet 1990, art. 31-3, JO du 8).

Dans le contexte de l’épidémie de covid-19, La Poste avait déclenché une procédure d’information-consultation du CHSCT sur son projet de reprise d’activité après le premier déconfinement de mai 2020. Ce dernier avait alors décidé de recourir à une expertise.

Le CHSCT considérait qu’il avait été insuffisamment informé, comme son expert, et que la procédure de consultation avait été irrégulière à plusieurs titres. Ensemble, ils ont saisi le tribunal judiciaire en référé en demandant notamment la transmission des informations manquantes à l’expert et la suspension du projet de reprise dans l’attente d’une consultation régulière.

Un point particulier retiendra ici notre attention : le CHSCT et son expert faisaient valoir que l’évaluation des risques épidémiques et professionnels n’avait pas été conforme à l’organisation annoncée. Pour appuyer cet argument, ils considéraient notamment que l’employeur aurait dû soumettre le projet de mise à jour du document unique d’évaluation des risques (DUER) à la consultation du CHSCT.

Le CHSCT et son expert n’ont pas obtenu gain de cause. Pour la cour d’appel, il n’y avait en effet aucun trouble manifestement illicite. La Cour de cassation a validé sa position.

Une solution adoptée au regard des dispositions applicables au CHSCT et au DUER

S’agissant d’un CHSCT, toujours en place au sein de La poste (voir ci-avant), la Cour de cassation rappelle d’abord que celui-ci est consulté sur les documents se rattachant à sa mission (c. trav. art. L. 4612-12, applicable à La Poste).

Elle rappelle aussi que l’employeur transcrit et met à jour dans le document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il doit procéder (c. trav. art. R. 4121-1). Ce document est mis à disposition des membres du CHSCT (ou du CSE dans les autres entreprises) (c. trav. art. R. 4121-4).

La Cour de cassation en déduit que l’employeur a la responsabilité de l’élaboration et de la mise à jour du document unique simplement tenu à disposition du CHSCT (ou du CSE dans les autres entreprises). Cela étant, les représentants du personnel peuvent être amenés, dans le cadre de leurs prérogatives, à faire des propositions de mise à jour.

La cour d’appel a donc eu raison de considérer qu’il n’existe aucune obligation légale ou réglementaire pour l’employeur de consulter le CHSCT sur le document unique en tant que tel.

Une solution transposable au CSE et à retenir pour les prochaines mises à jour du DUER

Une solution toujours valable aujourd’hui. – À notre sens, la solution adoptée à propos du CHSCT de la Poste vaut pour les CSE présents dans les autres entreprises compte tenu de la similarité des textes applicables au CHSCT et de ceux applicables au CSE. À ce propos, soulignons notamment que le document unique est simplement tenu à la disposition du CSE (c. trav. art. R. 4121-4), comme cela est ou était le cas pour le CHSCT.

Contexte de la crise sanitaire. – Les employeurs ont dû mettre à jour leur document unique pour y intégrer tous les risques liés au covid-19, comme l’ont d’ailleurs rappelé certains juges du fond et l’INRS (TJ Lyon, 11 mai 2020, n° RG 20/00593).

Rappelons en effet que document unique doit être mis à jour annuellement et actualisé quand (c. trav. art. R. 4121-2) :

-une décision d’aménagement important modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail est prise (sont notamment visées les transformations importantes des postes de travail découlant d’un changement de l’organisation du travail) ;

-une information supplémentaire concernant l’évaluation d’un risque est recueillie.

Encore aujourd’hui, dans la perspective du 9 juin prochain, les employeurs sont invités à mettre à jour leur document unique pour y intégrer notamment les nouvelles mesures prises dans la perspective du retour sur site des télétravailleurs (« Covid-19 – comment accompagner le retour en entreprise des télétravailleurs ? », ANACT). Ils n’auront donc pas à soumettre ces mises à jour à la consultation préalable de leur CSE.

À noter : Le 9 juin prochain marque le début de la troisième et avant-dernière étape du déconfinement avec un couvre-feu à 23 h, la réouverture des cafés, des restaurants, des salles de sport, des salons et foires d’exposition et l’assouplissement du télétravail (voir notre actualité du 3 juin 2021 : « Protocole sanitaire et télétravail : les règles changent à compter du 9 juin 2021 »).

Attention, le CSE doit toujours être consulté en cas de projet important. – Certes, l’employeur ne doit pas soumettre le document unique, en tant que tel, à la consultation préalable du CSE.

Pour autant, il ne faut pas oublier que l’employeur doit informer et consulter les élus sur ses projets d’aménagement important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou de travail (c. trav. art. L. 2312-8), au nombre desquels les projets de nouvelles organisations du travail visant à prévenir les risques « covid-19 » (CA Versailles 24 avril 2020, n° 20/01993) ou, à notre sens, modifiant de façon significative une organisation existante. Or, un tel projet peut impliquer une mise à jour du document unique.

Rappelons aussi que le Protocole sanitaire invite les employeurs à mettre en œuvre les mesures de prévention « dans le cadre d’un dialogue social interne et après avoir informé les salariés ». En effet, « l’association des représentants du personnel et des représentants syndicaux facilite la déclinaison de ces mesures dans l’entreprise » (Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de covid-19, version applicable à compter du 9 juin 2021).

Cass. soc. 12 mai 2021, n° 20-17288 FSP

(source rf)

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