Depuis plus d’un an, le ressenti est largement partagé : « le télétravail, ce n’est pas facile à vivre ! » Et malgré le déconfinement du 3 mai, les entreprises restent invitées à privilégier jusqu’au 9 juin, date où il devrait être assoupli, et quand les activités et les métiers le permettent, quatre jours de télétravail par semaine. Ce qui équivaut, pour nombre de salariés, à travailler chez eux ou, plus rarement, dans un tiers lieu.
Encensée avant l’épidémie, cette nouvelle organisation du travail avait, pourtant, jusqu’alors, du mal à séduire. En quelques jours, en mars 2020, elle a percuté brusquement le monde du travail et, depuis, mis sur le devant de la scène la perception claire que l’entreprise est réellement un lieu de lien social, d’expression, via des espaces d’échanges, de mise en mouvement de tous ses acteurs et de confrontation des points de vue. Nos experts sont aujourd’hui de plus en plus sollicités pour repenser ces dimensions fondamentales des relations de travail, en intégrant les enseignements de cette période exceptionnelle. Et, entre autres, de cet ovni qu’est le télétravail.
« Pour commencer, il faut dresser un état des lieux du télétravail pendant cette année confinée et faire le lien avec les enjeux de QVT* », constate Jean-Christophe Berthod, expert Secafi. Ce retour d’expérience s’inscrit pleinement dans l’expertise que le CSE peut mandater dans le cadre de l’information-consultation sur la politique sociale, expertise entièrement prise en charge par l’employeur et à laquelle il ne peut s’opposer. Au cours de cette mission, plusieurs outils peuvent être proposés aux représentants du personnel. « Nous privilégions, même en période de distanciation sociale, complète Jean-Christophe Berthod, des méthodes permettant de libérer la parole, tels les entretiens individuels et/ou collectifs avec les salariés, organisés, selon les situations, par métiers. Nous les mixons avec des questionnaires, qui nous permettent ainsi d’ancrer une démarche dans la durée, avec des points d’analyse d’une année sur l’autre. »
Ce type d’enquête porte sur tout ce qui a fait le quotidien du salarié en télétravail : son équipement, ses horaires et jours de télétravail, les temps d’échanges avec son manager, avec les représentants du personnel, le droit à la déconnexion ou l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, son état de fatigue… Tout est passé au crible, y compris en termes d’objectifs, d’attentes, de ressentis. « Nous tenons naturellement compte des spécificités du métier, de l’âge du salarié, et nous nous attachons en particulier au sens donné au travail dans un tel contexte », ajoute Jean-Christophe Berthod.
Ensuite, il faut tenir compte de l’après-crise : comment et quand les salariés vont-ils revenir au bureau ? « Les entreprises sont en pleine réflexion sur, entre autres, l’occupation des locaux, confirme l’expert. Le télétravail leur ouvre la voie vers des perspectives d’économies de coûts immobiliers ». Elles sont nombreuses à étudier la mise en place du flex office, qui désigne l’absence de poste de travail attitré à chaque salarié et la redéfinition des espaces. Dans une telle organisation, les locaux de l’entreprise sont repensés : quand ils viennent au bureau, les collaborateurs s’installent là où ils trouvent de la place et à l’endroit qui leur semble approprié pour leur journée. « Une fois le pli pris de ce réagencement des locaux, l’entreprise, avec des tableaux de présence à la semaine, va organiser son flex office en fonction des réservations effectuées par les salariés et, ainsi, abaisser son taux d’occupation au regard de la présence connue des salariés » explique Jean-Christophe Berthod. Face à ce type de projet, les représentants du personnel peuvent assurer leurs missions au travers de l’expertise pour projet important car, « dans ce type de réaménagement, il existe un vrai risque que les salariés voient leurs conditions de travail se dégrader, constate l’expert Secafi, dès lors que le taux de flex n’est pas réaliste. Le télétravail pose aussi la question du travail sur site : que fera-t-on au bureau et comment le fera-t-on demain ? Fini le temps des open spaces, désormais, on recherche des espaces dynamiques de travail, au fil de la journée et en fonction des tâches à réaliser : salles ou zones de réunion, de silence, de téléphone, de créativité… »
Pour inventer ce nouveau « futur du travail », les partenaires sociaux sont amenés à négocier des accords télétravail, en s’appuyant sur les recommandations de l’ANI** de novembre 2020. Le Centre Etudes & Prospective du Groupe Alpha a réalisé une étude sur les accords conclus entre 2017 et 2019, benchmark de référence et base de travail pour les accords actuels. « Les organisations syndicales négociatrices nous sollicitent, complète Jean-Christophe Berthod, pour que nous les alimentions en données sur le télétravail : comment cela se passe-t-il dans les autres entreprises ? Comment s’assurer que les entreprises respectent leurs obligations en matière de sécurité des conditions de travail des télétravailleurs ? Comment garantir le droit à la déconnexion des salariés en télétravail ? Comment mesurer le coût économique du télétravail pour les salariés et obtenir une juste compensation ? » A défaut d’accord, l’employeur devra soumettre une charte unilatérale à la consultation du CSE. Ce dernier est en droit, dans un tel cadre, de demander une expertise.
Enfin, la période récente et la généralisation du télétravail ont mis en lumière les managers de proximité dont le rôle a été essentiel pendant la crise sanitaire. Ce sont eux qui ont gardé le lien avec leurs équipes, qui ont fait circuler les informations et qui ont souvent été en première ligne avec les clients et les usagers. « Nous constatons que les managers sont souvent épuisés, confirme Jean-Christophe Berthod. Pour eux, il s’agit d’apprendre à manager des équipes à distance, à réinventer une fonction dont les missions seront de moins en moins de contrôler le travail réalisé mais de développer l’engagement des salariés et de définir des objectifs communs ». Le rapport au travail a fortement évolué durant cette année de crise sanitaire et, avec lui, le sens donné au collectif. Le télétravail en devient une dimension essentielle. Les représentants du personnel ont leur rôle à jouer pour que télétravail rime aussi avec qualité de vie au travail !
(source secafi)