Le Conseil d’État a annulé les dispositions ayant permis de réduire les délais de consultation du CSE et d’expertise du 3 mai au 23 août 2020 sur les décisions de l’employeur ayant pour objectif de faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19. Selon lui, le gouvernement n’était pas habilité à prendre de telles mesures.
Mesures du gouvernement pour réduire les délais de consultation du CSE
Dans le contexte du premier confinement, une loi d’urgence du 23 mars 2020 a déclaré l’état d’urgence sanitaire et autorisé le gouvernement, pendant 3 mois, à prendre par ordonnances diverses mesures relevant du domaine de la loi afin de faire face aux conséquences de l’épidémie.
Dans ce contexte, le gouvernement a prévu un raccourcissement temporaire des délais de communication aux membres du comité social et économique (CSE) de l’ordre du jour des séances consacrées aux décisions de l’employeur ayant pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19, à l’exception de celles relatives aux procédures de licenciement de dix salariés ou plus ou aux accords de performance collective (ordonnance 2020-460 du 22 avril 2020 dans sa version issue de l’ordonnance 2020-507 du 2 mai 2020, art. 9).
Un décret a ensuite adapté temporairement les délais relatifs à la consultation et l’information du CSE et aux modalités des expertises afin de faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 (décret 2020-508 du 2 mai 2020, JO du 3).
Les délais d’envoi de l’ordre du jour, de consultation du CSE et d’expertise concernant ces décisions de l’employeur sont trouvés réduits du 3 mai au 23 août 2020.
Plusieurs syndicats ont demandé l’annulation pour excès de pouvoir de l’article 9 de l’ordonnance du 22 avril 2020 et du décret du 2 mai 2020.
Le Conseil d’État leur a donné gain de cause après avoir initialement rejeté une requête en référé suspension à l’encontre de ces textes au motif que l’urgence n’était pas caractérisée (CE 30 juin 2020, nos 441032, 441220, 441223 ; voir notre actualité du 8 juillet 2020 « Covid-19 : le Conseil d’État rejette la demande de suspension des réductions des délais de consultation du CSE »).
Mesures annulées pour défaut d’habilitation
Le Conseil d’État se fonde sur le texte de la loi d’urgence du 23 mars 2020, son exposé des motifs et les travaux parlementaires précédant son adoption, pour relever que cette loi permettait de prendre des mesures ayant pour objet d’organiser la consultation du CSE par voie dématérialisée et d’instaurer un moratoire sur les délais mentionnés et d’en reporter le terme.
Il en déduit qu’aucune de ces dispositions n’habilitait le gouvernement à réduire les délais d’information et de consultation des CSE, ni les délais applicables au déroulement des expertises décidées dans le cadre de ces procédures par les comités.
L’article 9 de l’ordonnance 2020-460 du 22 avril 2020, dans sa version issue de l’ordonnance 2020-507 du 2 mai 2020, et le décret 2020-508 du 2 mai 2020 sont donc annulés.
Une annulation aux effets a priori limités
Le Conseil d’État a décidé de ne pas déroger au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses.
Il n’a pas tenu compte de l’argument de la ministre du Travail selon lequel l’annulation des textes pourrait donner lieu à l’engagement d’actions indemnitaires en vue d’obtenir la réparation des préjudices susceptibles d’être causés par l’organisation de procédures passées d’information et de consultation des CSE si elles devaient être regardées comme étant entachées d’irrégularité ou de nullité.
Pour le Conseil d’État, rien ne laisse présager que l’annulation des dispositions de l’ordonnance et du décret attaqués pourrait avoir des conséquences justifiant de réputer définitifs leurs effets passés alors que ces textes n’ont été applicables que 4 mois et qu’ils ne le sont plus à la date de sa décision.
CE 19 mai 2021, nº 441031
(source rf)