Exercer un mandat syndical ou représentatif ne permet pas toutes les actions et notamment de porter atteinte à la liberté de travailler en empêchant les salariés et prestataires d’accéder au site. Peu importe que ces agissements, commis dans le cadre d’un mouvement de grève, aient eu peu d’impact sur l’activité de la société.
Blocage de site par le salarié
Un salarié qui exerçait des mandats représentatifs (délégué syndical de l’établissement, délégué syndical central, membre titulaire du comité d’établissement et du comité central d’entreprise, membre du comité européen et conseiller prud’homal) avait lors d’un mouvement de grève empêché plusieurs salariés et prestataires d’accéder au site de travail. L’employeur avait demandé une autorisation de licenciement à l’inspecteur du travail.
Celle-ci avait été refusée par l’inspecteur dont la décision de rejet avait été confirmée de façon implicite par le ministre du Travail saisi d’un recours hiérarchique.
Leur décision avait été invalidée par le tribunal administratif puis par la cour administrative d’appel qui avaient accordé l’autorisation de licencier le salarié pour faute.
Cet arrêt contesté par le salarié protégé est confirmé par le Conseil d’État.
Les faits commis par le salarié étaient-ils suffisamment graves ou pas ?
Pour l’inspecteur du travail, les faits n’étaient pas assez graves pour justifier le licenciement du salarié. Rappelons en effet que les salariés investis de fonctions représentatives ne peuvent être licenciés pour faute que si les faits reprochés sont d’une gravité suffisante, compte tenu de l’ensemble des règles applicables à leurs contrats de travail (Guide DGT en matière de rupture du contrat de travail des salariés protégés, sept. 2019, fiche 6).
Dans le cas de faits survenus à l’occasion d’une grève, il faut même pouvoir justifier d’une faute lourde du salarié et tout licenciement prononcé en l’absence de faute lourde est nul de plein droit (c. trav. art. L. 2511-1).
Mais que les faits soient commis lors d’une grève ou pas, il faut respecter la liberté de travailler des autres salariés (cass. soc. 8 octobre 2014, n° 13-18873, BC V n° 223 ; cass. soc. 14 septembre 2017, n° 16-16069 D).
Oui, car ils portaient atteinte à la liberté de travailler des autres salariés
Il ressortait de cette affaire que le salarié avait à plusieurs reprises, entre le 16 et le 19 juin 2014, bloqué physiquement l’accès à une cabine de commande de délovage de câble (la société était spécialisée dans la production de câbles sous-marins) empêchant ainsi non seulement des salariés de la société mais aussi des salariés d’une société partenaire de travailler.
Le 19 juin 2014, il avait aussi bloqué l’accès à un navire, en occupant l’échelle de coupée, empêchant ainsi les salariés de la société prestataire de travailler.
Lors de ces blocages illicites, il avait été constaté, notamment par huissier, le rôle prépondérant et particulièrement actif du salarié qui avait porté atteinte à la liberté du travail et commis à cette occasion plusieurs voies de fait à l’encontre de membres du personnel de sa société.
Il y avait donc une entrave à la liberté du travail d’autres salariés qui ne pouvait se rattacher à une exécution normale de ses mandats.
Le fait que la production en elle-même de câbles n’ait pas été affectée (le blocage s’était limité à l’embarquement des câbles sur les bateaux et non au site de production) ou que ces blocages n’aient pas porté une atteinte grave aux intérêts de la société ne changeait rien à l’affaire. Les faits étaient d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement du salarié.
CE 27 mai 2021, n° 433078
(source rf)