Etablissements distincts en matière de CSE : la saga continue

21 juillet 2021 | Actus

En principe, la loi prévoit que le CSE est mis en place au niveau de l’entreprise. Toutefois, lorsqu’il existe au moins deux établissements distincts dans une entreprise d’au moins 50 salariés, des CSE d’établissements ainsi qu’un CSE central d’entreprise sont constitués. Une rédaction manifestement imparfaite de la loi impose au juge de devoir régulièrement préciser les critères permettant la reconnaissance unilatérale par l’employeur de tels établissements.

L’espoir d’un régime juridique consolidé

Pour rappel, le nombre ainsi que le périmètre des établissements distincts sont déterminés :

  • en premier lieu, librement par accord d’entreprise conclu avec les délégués syndicaux (Code du travail, art. L 2313-2) ;
  • en deuxième lieu, à défaut d’accord d’entreprise conclu dans les conditions ci-dessus ou en l’absence de délégué syndical, par accord entre l’employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus (C. trav., art. L. 2313-3) ;
  • en troisième lieu, si et seulement si la tentative loyale de négociation susvisée devait échouer, par décision unilatérale de l’employeur, compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel (C. trav., art. L. 2313-4) ;
  • en dernier lieu, si litige il y a sur la décision unilatérale de l’employeur susvisée, par l’autorité administrative du siège de l’entreprise dont la décision peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal judiciaire (C. trav., art. L. 2313-5).

Dans leur office, les Hauts Magistrats ont déjà été amenés :

  • à caractériser d’établissement distinct celui qui présente, notamment en raison de l’étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service (Cass. soc., 19 décembre 2018, n° 18-23.655) ;
  • à préciser que la centralisation de fonctions support et l’existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure l’autonomie de gestion des responsables d’établissement alors qu’il existait des délégations de pouvoirs des chefs d’établissement dans des domaines de compétence variés et des accords d’établissement, (Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 19-17.298) ;
  • à préciser que lorsqu’ils sont saisis d’un recours dirigé contre la décision unilatérale de l’employeur, le DREETS et le tribunal judiciaire se fondent, pour apprécier l’existence d’établissements distincts au sens de la loi, sur les documents relatifs à l’organisation interne de l’entreprise que fournit l’employeur, et sur les documents remis par les organisations syndicales à l’appui de leur contestation (Cass. soc., 22 janvier 2020 n° 19-12.011).

Le régime ne semble pas consolidé pour autant et de nouvelles précisions ont été apportées par la Cour de cassation dans deux décisions récentes.

L’apparition d’un nouveau critère de reconnaissance

Dans la première affaire, un employeur décide unilatéralement de délimiter 7 établissements distincts. Saisi d’une contestation, le DIRECCTE (désormais DREETS) invalida ce découpage et décida qu’un CSE unique devait être créé.

Dans une seconde affaire, l’employeur avait décidé unilatéralement de mettre en place un CSE unique là où le DIRECCTE, également saisi d’une contestation, estima qu’il convenait de fixer 3 établissements distincts.

Les organisations syndicales pour la première affaire et l’employeur pour la seconde contestaient respectivement la décision administrative devant le juge d’instance de l’époque.

Pour annuler la décision du DIRECCTE, le premier jugement retient que les deux exemples de délégations de pouvoir versés aux débats donnent au directeur d’établissement une autorité sur l’ensemble du personnel employé dans cet établissement. La preuve de la mise en pratique de ces délégations est fournie notamment par la production de la négociation de ruptures conventionnelles par les directeurs de deux établissements et une convocation à un entretien préalable de licenciement émise par le directeur d’un autre établissement.

Pour débouter la société de sa demande d’annulation de la décision du DIRECCTE, le second jugement retient que cette décision vise les textes applicables dans leur dernier état, les décisions rendues, les écritures communiquées et la procédure suivie. Il est donc manifeste que cette décision a été rendue après une étude sérieuse des éléments fournis par les parties, qu’elle est en outre motivée en droit, en ce qu’elle rappelle les critères essentiels pour les appliquer à la situation de fait et qu’en particulier l’autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service a été bien prise en compte dans l’analyse de la situation de l’entreprise.

Dans le cadre des pourvois respectifs dont ils ont été saisis, les Hauts Magistrats, tout en prononçant la cassation des deux jugements rendus au fond :

  • rappellent qu’il appartient au juge de prendre en compte l’ensemble des éléments produits tant par l’employeur que par les organisations syndicales pour déterminer si les directeurs d’établissements disposaient effectivement d’une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service, ce qui a fait défaut aux juges d’instance dans ces deux affaires ;
  • précisent, de manière inédite et pragmatique, qu’il appartient également au juge de contrôler si la reconnaissance à ce niveau, d’établissements distincts pour la mise en place des CSE était de nature à permettre l’exercice effectif des prérogatives de l’institution représentative du personnel.

Ce faisant, outre le critère légal de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, la reconnaissance d’établissements distincts pour la mise en place des CSE doit également permettre l’exercice effectif des prérogatives de ces derniers.

(Source éditions TISSOT)

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