Le 21 avril 2021, le Conseil d’État s’est prononcé, au fond, sur la demande d’annulation par l’Association française de l’industrie des fontaines à eau (AFIFAE) des fiches conseils du ministère du Travail en ce qu’elles déconseillent le recours aux fontaines à eau sur les lieux de travail.
Un référé-suspension des fiches conseils rejeté au printemps 2020
Au printemps 2020, au début de l’épidémie du covid-19, le ministère du Travail a mis en ligne sur son site internet une série de fiches conseils métiers pour accompagner les employeurs et les salariés dans la mise en œuvre des mesures de protection contre le covid-19 en milieu professionnel.
Ces fiches déconseillent l’utilisation des fontaines à eau sur le lieu de travail, selon la formulation suivante : « Pendant la pandémie, suspendez de préférence l’utilisation des fontaines à eau au profit d’une distribution de bouteilles d’eau individuelles ».
L’Association française de l’industrie des fontaines à eau (AFIFAE) avait alors saisi le juge des référés du Conseil d’État pour qu’il suspende l’exécution de ces fiches conseils. Mais le Conseil d’État avait rejeté cette demande dans un arrêt du 29 mai 2020, estimant qu’il n’y avait pas de doute sérieux quant à la légalité des fiches (CE 29 mai 2020, n° 440452 ; voir notre actualité du 16 juin 2020).
L’affaire vient d’être jugée sur le fond par le Conseil d’État, qui, dans un arrêt du 21 avril 2021, rejette la requête de l’AFIFAE et valide les restrictions du ministère du Travail quant à l’usage des fontaines à eau.
Le Conseil d’État valide les fiches conseils du ministère du Travail
Le juge administratif a rejeté les différents arguments de l’AFIFAE, qui avançait que :
❶ les fiches conseils conduiraient les employeurs à méconnaître les articles L. 4121-2 et R. 4225-2 du code du travail, qui imposent de mettre à la disposition des salariés de l’eau potable et fraîche.
Mais pour le Conseil d’État, la restriction posée par le ministère du Travail doit être regardée comme une « simple recommandation […], pendant le temps de la pandémie, de mettre à disposition des travailleurs de l’eau potable et fraîche de préférence par d’autres moyens que les fontaines à eau », lorsqu’ils sont en mesure d’assurer cette distribution dans des conditions permettant de concilier leur obligation de fournir de l’eau potable et fraîche et leur obligation de protéger les salariés contre les risques de contamination au covid-19.
❷les fiches conseils seraient entachées d’erreur manifeste d’appréciation et portent une atteinte disproportionnée aux règles de la concurrence et à la liberté du commerce et de l’industrie, en particulier parce qu’elles ne distingueraient pas selon les catégories de fontaine.
Le Conseil d’État estime le contraire, « eu égard à la gravité que peut avoir l’infection par le coronavirus covid-19, aux incertitudes portant sur les modalités selon lesquelles il se propage, notamment en milieu humide, et aux caractéristiques particulières que présentent les fontaines à eau », ainsi « qu’au vu de l’état des connaissances sur les conditions de transmission du coronavirus covid-19 à la date à laquelle [les fiches conseils] ont été prises ».
❸les fiches conseils porteraient atteinte au principe d’égalité, car elles ne comportent pas de semblables restrictions à l’égard des machines à café et des distributeurs de boissons.
Le Conseil d’État estime qu’il n’y a pas d’atteinte au principe d’égalité, puisque la mise à disposition des machines à café et des distributeurs de boissons ne constitue pas une obligation pour l’employeur, qui est, à l’inverse, obligé par le code du travail de fournir aux salariés de l’eau potable et fraîche (c. trav. art. R. 4225-2).
CE, 21 avril 2021, n° 440451
(source rf)