L’obligation de mentionner, dans un CDD de remplacement, la qualification professionnelle du salarié remplacé s’applique strictement. La seule mention de la catégorie professionnelle, qui englobe plusieurs qualifications, rend donc le CDD irrégulier. La Cour de cassation réaffirme sa position dans une affaire qui avait précédemment donné lieu à une QPC.
La mention de la qualification, une obligation légale
Lorsqu’il est conclu dans le cadre d’un remplacement, le contrat à durée déterminée (CDD) doit indiquer, entre autres mesures, le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée (c. trav. art. L. 1242-12). À défaut de ces mentions, le CDD ne comporte pas la définition précise de son motif, de sorte qu’il est réputé conclu pour une durée indéterminée, sans que l’employeur puisse apporter la preuve contraire. Le cas échéant, si le CDD est arrivé à son terme, cette rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cette grille d’analyse fait l’objet d’une jurisprudence constante (cass. soc. 1er juin 1999, n° 96-43617, BC V n° 249 ; cass. soc. 16 février 2012, 10-20113, BC Vn° 00 ; cass. soc. 15 janvier 2020, n° 18-19399 FPB).
La catégorie du « personnel navigant commercial » jugée trop vague par la cour d’appel
Une entreprise du secteur du transport aérien avait été condamnée en appel au titre de plusieurs CDD conclus pour remplacer des membres du « personnel navigant commercial » (PNC).
Pour les juges, la mention de cette catégorie professionnelle n’était pas suffisamment précise, car elle comportait diverses qualifications (hôtesses et stewards, chefs de cabine, chefs de cabine principaux), avec des fonctions et des rémunérations différentes.
L’employeur avait alors formé plusieurs pourvois en cassation et, en parallèle, soumis à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Il soutenait que l’obligation d’indiquer la qualification de la personne remplacée portait atteinte à la liberté contractuelle.
Une atteinte potentielle à la liberté contractuelle justifiée par le motif général de lutte contre la précarité
Dans une décision du 18 mars 2020, la Cour de cassation avait refusé de transmettre la QPC de l’employeur au Conseil constitutionnel. En effet, cette mention se justifie par un motif d’intérêt général de lutte contre la précarité, l’objectif étant d’éviter un recours abusif au CDD, contrat dérogatoire au CDI.
À ce titre, indiquer la qualification professionnelle du salarié remplacé permet de s’assurer que la conclusion du CDD l’a été dans l’un des cas limitativement énumérés par le législateur.
Cela garantit en outre le respect du principe d’égalité de traitement, le salarié en CDD pouvant ainsi s’assurer que sa rémunération correspond bien à la qualification exigée pour occuper ce poste (cass. soc. 18 mars 2020, n° 19-21535 FSPB).
Retour à l’affaire et maintien par la Cour de cassation de sa ligne jurisprudentielle
Un arrêt du 20 janvier 2021 marque l’aboutissement de cette affaire.
La Cour de cassation ayant écarté la QPC, elle se penche sur les pourvois formés par l’employeur et, sans surprise, valide les décisions de la cour d’appel : la seule mention de la catégorie de « personnel navigant commercial » ne permettait pas aux salariés engagés de connaître la qualification du salarié remplacé, de sorte que les CDD étaient irréguliers.
L’arrêt est de ce point de vue des plus classiques et l’on peut imaginer que c’est le passage par la case « QPC » qui explique sa publication sur le site internet de la Cour de cassation.
Cass. soc. 20 janvier 2021, n° 19-21535 FSPI ; https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/109_20_46323.html
(source rf)