Peuvent-elles être distinctes entre la victime et l’employeur ?
Dans une affaire jugée le 3 juin 2021, la Cour de cassation s’est penchée sur une question liée à l’enquête diligentée par la caisse primaire d’assurance maladie en cas d’accident du travail : la caisse peut-elle utiliser des modalités d’investigations différentes pour les deux parties, à savoir l’envoi d’un questionnaire au salarié et un entretien téléphonique avec l’employeur ?
L’objet du litige : un questionnaire adressé au salarié et un appel à l’employeur
Dans cette affaire, un salarié d’une société de travail intérimaire avait déclaré avoir été victime d’un accident en 2013. Après enquête, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) avait pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle, ce que contestait l’employeur.
L’employeur n’avait pas émis de réserves pour cet accident, mais la CPAM avait toutefois décidé de procéder à une enquête.
Dans ce cadre, elle avait adressé au salarié un questionnaire sur les circonstances ou les causes de l’accident, tandis qu’elle avait interrogé l’employeur par téléphone.
Et c’était là tout l’objet du litige, l’employeur estimant que la CPAM aurait dû, avant sa prise de décision, lui adresser un questionnaire, comme elle l’avait fait pour le salarié, afin que tous deux soient en mesure de répondre dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités aux questions posées.
Par conséquent, pour l’employeur, la décision de prise en charge de l’accident par la CPAM lui était inopposable.
Enquête de la CPAM : peut-il y avoir des modalités distinctes ?
A l’époque des faits, l’article R. 441-11 du code de la sécurité sociale prévoyait qu’en cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou procède à une enquête auprès des intéressés.
La cour d’appel avait considéré qu’en adressant un questionnaire au salarié et en procédant à un entretien téléphonique avec l’un des préposés de l’employeur qui, selon ses constatations, avait permis de recueillir des éléments d’information complets et pertinents, la CPAM avait loyalement respecté le principe du contradictoire qui sous-tend la procédure d’instruction.
La Cour de cassation confirme cette lecture, et affirme qu’en cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés, selon des modalités qui peuvent être distinctes entre eux.
Pour la Haute juridiction, c’est donc à bon droit que la cour d’appel a retenu que la demande de prise en charge avait été régulièrement instruite à l’égard de l’employeur.
Quelle portée pour cette décision ?
La procédure d’instruction par la CPAM de la déclaration d’un accident du travail a été modifiée au 1er décembre 2019 (décret 2019-356 du 23 avril 2019, JO du 25).
Depuis cette date, lorsque la caisse engage des investigations (suite à des réserves de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire), elle doit adresser un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident à l’employeur ainsi qu’à la victime ou ses représentants. Elle peut en outre recourir à une enquête complémentaire (c. séc. soc. art. R. 441-8).
On le voit, la nécessité d’adresser un questionnaire à la victime et à l’employeur existe toujours. L’enquête complémentaire peut venir en « plus » (« en outre »). Or la Cour de cassation a statué sous l’empire de l’ancienne réglementation, qui permettait à la CPAM d’adresser un questionnaire ou de procéder à une enquête.
Désormais, l’envoi d’un questionnaire est obligatoire pour les deux parties. Il ne serait donc plus possible d’en adresser un à l’une d’elle et non à l’autre, comme dans l’affaire du 3 juin 2021.
Selon nous, seuls les litiges portant sur des faits antérieurs au 1er décembre 2019 pourraient donc encore bénéficier de cette jurisprudence.
Cass. civ., 2e ch., 3 juin 2021, n°19-25571 FP (1er moyen)
(source rf)