L’aggravation, provoquée par un accident du travail, d’un état pathologique antérieur n’occasionnant auparavant aucune incapacité pour le salarié, doit être totalement indemnisée au titre de l’accident du travail. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation dans un arrêt du 8 avril 2021.
Rappels
Est considéré comme accident du travail (AT), quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise (c. séc. soc. art. L. 411-1).
Lorsqu’un salarié est victime d’une incapacité permanente à la suite d’un accident de travail, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) doit en fixer le taux.
La victime atteinte d’une incapacité permanente a droit à une indemnité en capital lorsque le taux d’incapacité permanente est inférieur à 10 % (c. séc. soc. art. L. 431-1, 4°, L. 434-1, R. 431-1 et R. 434-1). Lorsque le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 10 %, la victime bénéficie d’une rente viagère jusqu’à son décès (c. séc. soc. art. L. 434-2 et R. 434-1).
Pour l’employeur, la décision de la CPAM peut avoir un impact sur le taux des cotisations accidents du travail qu’il doit verser. Ce taux, déterminé par la CARSAT, peut toutefois être remis en cause par une décision de justice ultérieure qui en modifierait alors les éléments de calcul. Dès lors, l’entreprise qui obtient devant la juridiction compétente la réduction du taux d’incapacité permanente d’un salarié victime d’un accident du travail peut ensuite solliciter de la caisse la modification du taux de la cotisation AT (cass. soc. 11 juillet 2002, n° 00-17891, BC V n° 260).
Il peut donc être opportun pour l’employeur d’intenter une action en justice afin de contester le taux d’incapacité permanente retenu par la CPAM, dans le but d’éviter l’augmentation de ses cotisations.
Un employeur conteste le taux d’incapacité retenu par la CPAM à l’égard de la salariée
Dans l’affaire jugée le 8 avril 2021 par la Cour de cassation, une salariée, victime d’un accident du travail survenu le 13 mars 2013, s’est vue attribuer par la caisse primaire d’assurance maladie un taux d’incapacité permanente partielle de 20 %.
L’employeur décide de contester le taux retenu devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (CNITAAT), juridiction compétente à l’époque des faits et à laquelle a succédé depuis la Cour d’appel d’Amiens.
La CNITAAT ayant confirmé le taux d’incapacité permanente partielle à hauteur de 20 %, l’employeur s’est alors pourvu en cassation.
Au cœur du litige, l’état pathologique de la salariée préexistant à l’accident du travail
L’employeur reprochait à la CNITAAT de ne pas avoir pris en compte l’état pathologique antérieur de la salariée victime de l’accident du travail. En effet, celle-ci avait auparavant déclaré souffrir d’une maladie reconnue professionnelle, et consolidée sans séquelle indemnisable le 30 avril 2013, soit après l’accident du travail qui en a aggravé les conséquences.
La CNITAAT avait considéré qu’il convenait d’indemniser totalement l’aggravation résultant du traumatisme de l’accident et qu’au regard des éléments mis à sa disposition, « un taux d’incapacité de 20 % était justifié à la date de consolidation de l’accident du travail, le 30 juin 2015 ».
Mais selon l’employeur, seules les séquelles directement imputables à l’accident du travail auraient dues être prises en compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente, à l’exclusion des conséquences d’une évolution normale de l’état pathologique antérieur.
Il ajoute que la CNITAAT ne pouvait ainsi confirmer le maintien du taux à hauteur de 20 % alors même que le médecin consultant désigné par cette dernière relevait dans son avis que « l’aggravation résultant de l’accident du travail n’était pas seule à l’origine des séquelles relevées par le médecin conseil, et (…) que le taux d’incapacité résultant de cette aggravation ne pouvait excéder 9 % ».
Ainsi, pour l’employeur, en ne tenant pas compte de l’état pathologique préexistant de la salariée, et « sans relever le moindre élément médical susceptible de contredire l’avis du médecin consultant », la CNITAAT n’a pas donné de base légale à sa décision.
Solution de la Cour de cassation
La Cour de cassation n’a toutefois pas donné raison à l’employeur, considérant que « l’aggravation, due entièrement à un accident du travail, d’un état pathologique antérieur n’occasionnant auparavant aucune incapacité, doit être indemnisée en sa totalité au titre de l’accident du travail ».
Pour la Haute juridiction, la CNITAAT a pu déduire, à partir de son appréciation souveraine des éléments de faits et de preuve qui lui étaient soumis, que la CPAM avait valablement « reporté la totalité de l’indemnisation des séquelles de la maladie professionnelle sur celles de l’accident du travail pour fixer le taux d’incapacité permanente de la victime à 20 % », compte tenu de l’impossibilité de dissocier les séquelles de la maladie professionnelle de celles de l’accident de travail survenu avant que la maladie professionnelle n’ait été consolidée.
Cass. civ., 2e ch., 8 avril 2021, n° 20-10621 FP
(source rf)